La Station de Sauvetage

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Le Sauvetage en Mer

Les marins d'Etel sont confrontés au danger permanent que constitue l’entrée de la ria, partiellement entravée par un banc de sable. Véritable dune sous-marine façonnée par les courants marins, ce banc génère un double risque : Sa position fluctuante et le faible tirant d’eau exposent les navires au talonnage ou à l’échouage. Par mauvais temps ou courants contraires, la grande houle du large déferle à son contact. Le franchissement devient alors particulièrement dangereux, voire impossible. Ce phénomène naturel rare et spectaculaire a donné son nom à la Barre d’Etel.

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Les difficultés permanentes et les accidents sur la barre incitent très vite la toute jeune commune d’Etel (1850) à doter son port d’une station de sauvetage. En 1865, l’Impératrice Eugénie, épouse de Napoléon III, accède à la demande et soutient le projet. La création de la station est publiée au Journal Officiel du 18 novembre de la même année. Le texte souligne qu’« Il y va de la vie et de l’avenir de toute une commune ». Après Groix, Etel est la seconde station du Morbihan à être créée.

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Dès 1866, à l’extrémité sud du port, le long des quais bordant l’anse d’échouage du Pradic, face à la barre, les Ponts et Chaussées réalisent à leur frais une maison-abri équipée d’une cale de mise à l’eau. La station est affiliée à la Société Centrale de Sauvetage des Naufragés, créée en février 1865. Le 1er canot, La Seyne est réceptionné début janvier 1867. Construit par la Société des Forges et Chantiers de la Méditerranée installée à La Seyne, ce navire en bois de 9,78m est mu par 10 avirons. Monté sur chariot, le canot était sorti à la force des bras sur sa cale de mise à l’eau. Très rapidement en mauvais état, il fut désarmé en juin 1888 et vendu en 1889.

Le Prosper Giquel, remplace La Seyne en janvier 1889. Construit au Havre en 1882 par les Chantiers Augustin Normand, il est initialement dévolu à la station d’Oran. Long de 10,10m, également propulsé par 10 avirons, le Prosper Giquel bénéficie d’un système de redressement en cas de chavirage. En 1894, pour faciliter sa mise à l’eau, la cale de l’abri fut prolongée de 25 m, jusqu’au bord du chenal. Le Prosper Giquel resta en service à Etel jusqu’en 1913, puis vendu.

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Son successeur, le Papa Poydenot, sera le 3e et dernier canot à avirons de la station. Sistership du Prosper Giquel (mêmes caractéristiques, même chantier), le Papa Poydenot arrive à Etel en 1913, après 13 années de service à la station de Saint-Pierre-Penmarc’h. Ce canot connut l’apogée du port des années Trente avec ses 230 dundées thoniers. Il y officie jusqu’en 1939. Son nom sera repris par le canot à avirons de même type, préservé à Penmarch, l’ex-Benoît Champy, classé monument historique en 1992 et naviguant encore à ce jour.

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De Janvier 1867 à juin 1939, les canots à avirons auront ainsi effectués 110 sorties de sauvetage et secourus un grand nombre de naufragés.

En 1938, le port s’agrandit. Un nouveau quai et un terre-plein sont aménagés dans sa partie sud. La SCSN décide alors d’attribuer un canot de sauvetage motorisé à la station. Un nouvel abri et sa glissière de lancement seront également construits dans le prolongement ouest du précédent. Œuvre de l’entreprise Limousin (Paris), l’édifice est monté en béton armé sur poteaux. Il est doté d’une rampe à glissières de bois.

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Le Vice-Amiral Schwerer, sorti des Chantiers Jouët, à Sartrouville, est livré neuf en mai 1939 et baptisé le 1er juillet. Il ouvre l’ère des canots bois à moteur de la station. Dit « Tous Temps », le V-A Schwerer est équipé de 2 moteurs diesel de 35cv pouvant le propulser à une vitesse de 7 nœuds. En 1958, après 29 sorties de sauvetage, le navire part pour Fécamp au Chantier naval de Normandie afin d’être modernisé et affecté à la station de Saint-Jean-de-Luz.

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Pour le remplacer, le Pourquoi-Pas, de Saint-Servan (Saint-Malo), qui vient d’être refondu, arrive à Etel le 19 mai 1958, reprenant le nom de Vice-Amiral Schwerer. Deux mois plus tard, il porte assistance au dernier thonier à voile du port, le Prosper, échoué sur la barre (sorties 140 et 141 du 18 juillet).

L’intervention suivante fut dramatique : Le 3 octobre 1958, Alain Bombard teste son radeau de survie pneumatique sur la barre d’Etel. Le radeau chavire dans les rouleaux. Le canot de sauvetage intervient mais se retourne à son tour. 4 « naufragés volontaires » accompagnant Bombard et 5 marins sauveteurs y laissent la vie. Parmi eux, Emile Daniel, patron du canot V-A Schwerer dont ce fut la dernière sortie.

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Ce drame marque un double tournant dans l’histoire du sauvetage et de la sécurité en mer. A partir de cette date, malgré l’accident, le radeau de Bombard, dont la fiabilité est prouvée, va être imposé -et va s’imposer- sur tous les navires. Le système est adopté dans le monde entier. Par ailleurs, le drame révèle un défaut de conception des canots de sauvetage équipant les stations. Si le canot est bien insubmersible, à l’inverse de ce qui a été affirmé, il n’est pas auto-redressable

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A la suite du drame, leur conception est repensée. Insubmersibilité et auto-redressement seront désormais conjugués. Quatre ans plus tard, la station est équipée d’un canot neuf, de nouvelle génération.

Dans ce laps de temps, la barre sera le théâtre d’un nouveau drame, conséquence directe du précédent : l’échouage du chalutier La Souriante, fin janvier 1960. Faute de canot de sauvetage à Etel, la protection civile dépêche un hélicoptère. En tentant d’héliporter l’équipage, l’appareil heurte un mât du navire et s’abime en mer. Le pilote et le mécanicien périssent.

En 1962, pour accueillir ce 6ème canot, une nouvelle maison-abri voit le jour face à la glacière municipale. Elle surplombe le nouveau quai lui servant de soubassement. Orienté Nord-Sud (à l’inverse des premiers abris, orientés Est-Ouest), l’abri ouvre sa façade ouest sur la rivière. Elle est équipée d’un portail métallique basculant par contrepoids. La mise à l’eau du canot s’effectue latéralement grâce à un système atypique de descente par bossoirs électriques (même modèle que ceux du paquebot France). La machinerie, conçue par les ateliers J. Paris (Nantes) se compose de 2 bossoirs montés sur glissières. Les bossoirs portent le canot en sustentation grâce à des câbles d’acier. Le temps de mise à l’eau varie entre 5 et 7 minutes selon la hauteur d’eau.

Il s’agit de l’un des 3 seuls exemplaires de ce type installés en France. Ceux de Dunkerque et Oléron ne fonctionnent plus. L’abri d’Etel constitue donc le dernier exemplaire conservé de l’Hexagone, qui plus est en parfait état de marche.

Témoin important du patrimoine maritime tant local que national, l’ensemble est aujourd’hui entretenu par la commune, la Sagemor et l’Association Patron Emile Daniel (A.PE.D.), constituée d’anciens sauveteurs et navigants étellois.

Le bâtiment et son mécanisme de mise à l’eau (cad. F 417), par arrêté du 08 août 2008, sont désormais inscrits sur la liste des édifices protégés au titre des Monuments Historiques du département du Morbihan.

Le 3 juin 1962, Etel réceptionne le Patron Emile Daniel, en hommage au patron du canot précédent perdu dans l’accident de 1958. Il est béni très sobrement le 2 septembre suivant. L’activité de la pêche décline mais le danger de la barre et le développement du nautisme de plaisance justifie toujours la nécessité de sa présence. Occasionnellement, le Patron Emile Daniel assiste la mise à l’eau des chalutiers sortant des chantiers navals de la ria pour ensuite les remorquer jusqu’au port. Enfin, à l’instar de ses prédécesseurs, le canot participe chaque année à la bénédiction de la mer, embarquant le clergé et les célébrants.

En 1985, le canot fait peau neuve au chantier d’Audierne : grand carénage, remplacement des moteurs et installation d’une timonerie. Victime d’une sévère avarie lors d’une intervention nocturne le 08 septembre 2003 (éventré sur 8 m et un moteur détruit), le canot prend une retraite forcée. La SNSM préfère le remplacer. L’emblématique canot est déclassé en septembre 2003, après 41 ans de service (183 sorties), ce qui constitue un record national de longévité ! Il sera restauré par les soins du chantier naval local Rameau, secondé par les élèves des lycées technique et maritime d’Etel et l’Association Patron Emile Daniel (APED).

Le canot Patron Emile Daniel a célébré son cinquantenaire le 02 juin 2012. A la différence de son abri, le canot n’est pas encore classé. Nonobstant, à Etel, l’ « Emile Daniel » fait naturellement figure de monument historique.